La plage. D’un espace de travail à un lieu de loisirs
La Bretagne, par sa situation géographique qui forme une péninsule, comporte un littoral long de plus de 2400 km, soit un tiers des côtes françaises métropolitaines. Qu’ils soient ruraux ou urbains, habités ou cultivés, ces espaces côtiers présentent une grande diversité. Ces occupations du littoral ont été l’objet d’évolutions, parfois documentées par des photographes amateurs et professionnels, à redécouvrir grâce aux collections muséales et archivistiques bretonnes.
Un espace de labeur
L’estran, cet espace situé là où la mer se découvre avec la marée, est un lieu convoité pour ses ressources. Son exploitation a contribué à répondre aux besoins alimentaires des populations, dans le cadre d’une agriculture vivrière.
La pêche à pied permet notamment de récolter petits poissons, fruits de mer, coquillages et crustacés. Selon les lieux du littoral, différents outils ont été façonnés pour permettre la pêche dans les mares et les rochers, ou bien directement sur le sable, lorsque la mer se retire. Les crevettes sont ainsi pêchées par hommes, femmes et enfants, comme moyen de subsistance.
Source : Musée départemental Breton. Début XXème siècle. 1998.7.25.
Elle devient également une activité de loisirs prisée par les estivants.
Source : Archives départementales des Côtes d’Armor. 1906-1925 à St Quay Portrieux. 39 FI 293
Certains coquillages sont également récoltés directement sur les rochers à marée basse. L’ostréiculture et la conchyliculture se sont developpées pour exploiter les moules et les huîtres, par la construction de parcs. Les moyens techniques se sont industrialisés, réduisant au fur et à mesure le nombre d’exploitants. Ces parcs sont immergés à marée haute et se découvrent à marée basse, permettant un accès à pied.
Source : L’inventaire du patrimoine culturel en Bretagne
Autre ressource, cette fois végétale, le goémon est prélevé en mer ou recolté sur la côte, principalement en Finistère, dans le pays des Abers et sur les îles. L’usage du goémon est varié, il sert avant tout à enrichir les terres pour les cultures. À partir du 19e siècle, il est aussi brûlé pour réaliser des pains de soude. Obtenus à partir des cendres du goémon, ces pains sont vendus aux industries qui en exploitent l’iode, utilisé dans l’industrie de la photographie (iodure d’argent) et le domaine médical (teinture d’iode). La profession de goémonier est épuisante, car très physique et coûteuse en temps. Il faut en effet passer par de nombreuses étapes, du ramassage des algues, à leur séchage et leur combustion.
Source : L’inventaire du patrimoine culturel en Bretagne
L’agriculture n’est pas limitée à l’intérieur des terres bretonnes. Elle est également pratiquée sur le littoral, ainsi que sur les Îles. Le climat y est souvent favorable et l’activité agricole est indispensable à la subsistance des populations, notamment insulaires. Les champs cultivés en bord de mer et l’élevage de bétail en sont des exemples, tout comme les moutons présents sur les pré-salés, des prairies parfois immergées par la mer. Sur cette image, des chèvres sont conduites pour brouter en bord de falaise.
L’or blanc de la Bretagne est enfin une denrée incontournable. En effet, le sel est récolté en bord de mer, notamment au moyen de bassins : les marais salants. Le sel est précieux, car il joue un rôle pour l’alimentation, mais surtout dans la conservation des aliments. Son commerce a aussi permis un enrichissement de la région. Si les marais salants les plus connus se trouvent sur la presqu’île de Guérande, ceux de Séné, non loin de Vannes, ont longtemps été en activité.
D’un espace de travail, le littoral devient progressivement un lieu de loisirs et de détente. Ce changement d’usage se produit à partir de l’arrivée du chemin de fer en Bretagne, à la fin du 19e siècle. Nantes est reliée à Paris en 1851, Rennes accueille son premier train en 1857, Quimper en 1862 et Brest en 1865. Les trajets sont longs et pénibles, il faudra encore 15 heures pour relier Paris et Lannion en 1888 ! Mais ce réseau ferroviaire va drainer de plus en plus d’estivants aisés vers les stations littorales.
Cet intérêt nouveau pour la mer est né en Grande Bretagne, berceau du tourisme, dès le 18e siècle. Bientôt, la mode des bains de mer conduit des Anglais à se rendre en Bretagne. Les Français les imitent. Dans la première moitié du 19e siècle, le paysage littoral se transforme : Dinard, au nord de la Bretagne, et Le Croisic, au sud, attirent les riches vacanciers.
Sur la plage de Trestraou, à Trévou-Tréguignec (22). Source : Dastum
C’est le début des stations balnéaires, où parfois, comme sur cette photo, les jeunes vacanciers observent des habitants, occupés quant à eux par des activités traditionnelles.
Ramassage du goémon sur la plage de Paramé, à Saint-Malo. Source : Cartolis
La plupart de ces estivants goûtent aux bains de mer. En 1879, l’écrivain André Theuriet oberve les baigneurs à Dinard :
« L’heure du bain approche. Les cabines roulantes apportent leur contingent de baigneurs et de baigneuses. De temps en temps, une petite porte s’ouvre ; une dame ou un monsieur apparaît en costume de natation, et s’arrête sur le seuil comme une poule qui sort du poulailler et secoue ses plumes avant de descendre. Chacun semble étudier sa pose, au moment de franchir, sous les yeux de la galerie, l’espace vide qui sépare les cabines de la mer. »
Des baigneurs sur la grande plage de Saint-Quay-Portieux, au début du 20e siècle. Source : Archives départementales des Côtes d’Armor
Les bains de mer sont aussi prisés des petits Bretons, qui semblent goûter aux plaisirs de la baignade durant l’été.
Des enfants se baignent à Loctudy, dans le sud-Finistère, en 1906. Source : Dastum
La maison de vacances reste la villa, construite dans les stations balnéaires qui se développent sur le littoral. Des offices du toursime voient également peu à peu le jour au début des années 1920.
Syndicat d’initiative à Saint-Brieuc. Source : Archives départementales des Côtes d’Armor
Après le premier conflit mondial, la Bretagne voit arriver de nouveaux touristes. Un grand nombre d’écrivains et d’artistes notamment viennent passer des vacances en famille : c’est le cas de l’Arcouest, sur la commune de Ploubazlanec (22) où les Prix Nobel, Marie Curie, Jean Perrin, ou Frédéric et Irène Joliot-Curie viennent passer tous les étés dans l’entre-deux guerres.
Les nouveaux estivants sont aussi des enfants, qui goûtent aux joies des premières colonies de vacances. Nées en Suisse en 1876 au sein du milieu protestant, les colonies de vacances ont rapidement conquis le monde catholique, puis les milieux laïques. Juste avant 1914, près de 100 000 enfants partent en vacances collectives. Châteaux et hôtels sont recyclés par des collectivités, des comités d’entreprise, ou de grandes associations pour les accueillir. Quelques communes, comme Plougasnou dans le Finistère, deviennent des lieux d’accueil pour les colons, venus des grandes villes françaises.
Colonie de vacances de Plougasnou Source : Musée départemental Breton
Dès 1853, les fonctionnaires de l’État bénéficient de 15 jours de congés payés. Mais c’est l’instauration des congés payés pour tous les salariés en 1936 qui marque une vraie rupture symbolique et l’accès à la mer pour une grande partie de la population.