Ex-Libris. Les amoureux des livres impriment leurs marques

Les livres-ou plutôt les pages qu’ils contiennent- regorgent parfois d’éléments originaux qui attisent la curiosité. Les ex-libris sont des marques apposées par les détenteurs d’un livre, pour indiquer leur appartenance. On en trouve sous plusieurs formes : gravures, dessins, étiquettes… C’est aujourd’hui un moyen de connaître l’itinéraire d’un ouvrage après sa publication, puisque se succèdent parfois plusieurs propriétaires. Certaines de ces marques ont un intérêt particulier, par leur graphisme, le nom qui y figure, ou par leur auteur.

Parmi les marques de provenances figurant dans des livres, le plus ancien trouvé sur Bretania date de 1502. Il s’agit de l’ex-libris de Patrice Hamart de La Chapelle, une gravure en pleine page avec un ex-libris sur lequel est mentionné son titre :
 » Ecuyer Patrice S.ur Hamart de la Chapelle, Cons. du Roy greffier en chef des req. du palais du p.nt de Bretagne, medecin de la fac. de Paris et de celle de Caen, de l’acad. royale des s.c et belles lettres d’Angers, docteur a.gr au college des medecins de Rennes »

Il se trouve dans l’ouvrage « Les presentes heures a lusaige de Renes ont este faictes pour Simon Vostre libraire… »

Source : Les tablettes rennaises

Cet autre ex-libris date de 1785. Il n’est pas inscrit dans un livre mais dans un almanach, intitulé : « Almanach de Bretagne pour l’année … ». Il comporte des informations diverses, en résumé : « le lever & le coucher du soleil, calculés au méridien de Rennes avec un abrégé historique de chaque royaume, principauté, duché, etc. »

Inscription du nom Mac’harid Le Blohec, avec le dessin d’un arbre et une écriture en calligramme, avec les lettres entremêlées comportant une hermine en guise de lettre « i ».
Source : Les tablettes rennaises

Il y a donc dans ces ex-libris plusieurs éléments à croiser pour comprendre les attributs de ces marques : l’auteur de l’image, le propriétaire de l’ouvrage et parfois l’hommage rendu à une personnalité. Illustration par un exemple concret :

Sur cette page de livre, on retrouve une collection de quatre exemplaires d’ex-libris, montrant ainsi l’ensemble des détenteurs de l’ouvrage, successifs ou non. Leurs noms : Jonathan Peckover, Alexander Peckover, Doyle Penrose et Michael Sharpe. Il s’agit d’un document datant de 1474, mais pour autant leurs détenteurs naissent bien plus tard.

Source : Les tablettes rennaises

Le titre du livre est : l’ « Histoire ancienne jusqu’à César ». La reliure date du XVIIIe siècle et a été restaurée. Pour connaître ses propriétaires, il faut aller voir du côté de la Grande-Bretagne. Alexander Peckover (1830-1919) était un érudit, baron anglais et collectionneur de livres. William Alfred Westropp Foyle (1885–1963) était un libraire, à l’origine de l’une des plus grandes librairies de Londres. 

« Beeleigh Abbey » fait référence à l’abbaye de Beeleigh, un monastère du XIIème siècle. Foyle fait son acquisition pendant la seconde guerre mondiale. Ce lieu devient une des plus grandes collections privées de livres en anglais au monde durant le XXème siècle. En 2000, les livres sont vendus lors d’une vente aux enchères-record.

Cette exemple montre une variété de modèles, et la possibilité de retracer la transmission des ouvrages à travers leurs détenteurs successifs.

Si les ex-libris mettent parfois simplement en avant les noms des propriétaires des ouvrages, avec éventuellement l’apposition d’un blason, il y a parfois aussi des créations plus élaborées avec des graphismes originaux ou encore des devises apposées.

Ici, il s’agit d’un hommage à Taldir Jaffrenou (1879-1956), écrivain breton, avec un graphisme présentant un chevalier en armure portant un drapeau d’hermines, entouré de deux harpes. L’oeuvre a été réalisée par Marc Leclerc, écrivain également.



 Ex-libris imprimé : « Ex libris Jaffrennou Tal-dir »  dans le livre en langue bretonne « Simon a Vontroulez, pé ar Marc’hadour mercer »de Alexandre-Louis-Marie Ledan Source : Les tablettes rennaises

Ce livre, dont le titre traduit en français est Simon le Morlaisien, est une adaptation de Simon de Nantua, de L. de Jussieu, publié en 1821, traduit en breton et transposé à Morlaix. Guizot subventionna le livre pour favoriser la lecture du breton dans les écoles (voir G. Le Menn, Une bibliothèque bleue en langue bretonne). (Source : Les tablettes rennaises)

Sur cette illustration qui comporte aussi des hermines, on peut remarquer la marque d’appartenance au collectionneur Arthur de La Borderie, avec une devise « Qui l’aborde rie » et une illustration d’une barque approchant une rive, surplombée d’une tour.

Ex-libris « Qui l’aborde rie »1883 Source : Les tablettes rennaises

Cette vignette est apposée sur plusieurs ouvrages, on le retrouve dans le « Recueil de chansons et cantiques bretons, et de diverses pièces curieuses en français » par exemple.

Cet autre ex-libris est une vignette imprimée avec, en illustration, une gravure de Mathurin Méheut. Il y est inscrit: « Ex-libris docteur André Grall – don Chateau – Bibliothèque municipale de Rennes » ». Datant de 1926, il y a aussi une maxime en breton qui correspond à l’illustration « Doue diwall va bag » ce  qui signifie « Dieu protège mon bateau ». Il figure dans le livre « Le vieux Rennes » par Paul Banéat.


Ex-libris docteur André Grall Source : Les tablettes rennaises

Il existe aussi des créations plus contemportaines,  réalisées par des artistes de tous horizons. Les auteurs de livres ou de bandes dessinées s’en emparent lors de séance dédicaces. Ce format laisse place à des possibilités très variées, selon le sujet mis en avant et le mode employé. Des thématiques reliées à la Bretagne peuvent apparaître alors.

Ici, on peut voir la création de René Yves Creston : la gravure d’un bouquet de fleurs dans un vase devant la mer, avec l’inscription de l’année 1957 et le nom R.Y. CRESTON.

Ex-libris René Yves Creston Source : Musée départemental Breton

Dans l’ensemble, les ex-libris sont produits de manière à pouvoir être duplicables facilement, et ainsi être inscrits dans une quantité de livres importante à la fois. La gravure se prête donc particulièrement bien à cet usage.

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