Bretania vient d’accueillir un nouveau contributeur : Yroise. La bibliothèque patrimoniale de Brest et son portail numérique viennent enrichir les collections de milliers de documents. Rencontre avec Yvan Hochet, responsable du département environnement numérique et jeux vidéo aux médiathèques de Brest.
Bretania : Que peut-on trouver dans Yroise ? Quels sont les fonds numérisés accessibles au public ?
Yvan Hochet : Les fonds numérisés représentent les collections patrimoniales. Tout comme les autres bibliothèques patrimoniales, nous avons des livres et des incunables [livres imprimés avant 1500], des plaques de verre, des cartes postales, donc un fonds iconographique qui est assez riche. Le fonds comporte, de manière générale, beaucoup de documents relatifs à la vie maritime et, plus particulièrement, en lien avec celle de Brest comme des plans, des cartes. Le public y trouvera également tout ce qui est relatif à la vie de l’Arsenal, lieu qui existe toujours aujourd’hui mais qui a complètement changé, c’était une ville dans la ville.
Certains documents sont-ils particulièrement rares ou originaux ?
Nous montrons systématiquement certains documents particulièrement remarquables au public lors des visites. Parmi eux, les récits du naufrage de La Méduse. Les manuscrits originaux sont conservés à Brest, ils permettent de confronter les sources et comprendre ce qu’il s’est passé lors de ce drame, qui a donné lieu au tableau Le radeau de la méduse de Géricault. Ce sont des documents d’enquête, uniques.
Manuscrit détenu par la Médiathèque patrimoniale de Brest. Il contient un récit du naufrage du Radeau de la Méduse.
Photographie : Bretagne Culture Diversité
Nous possédons aussi un certain nombre d’alguiers. Nous menons une politique d’acquisition systématique en salle des ventes en vue d’enrichir un fonds déjà important. Certains ont des présentations originales, par exemple en forme de coquille Saint-Jacques. C’est exactement le même principe qu’un herbier, sauf que c’est un recueil d’algues. Ce sont des documents un peu rares. Ils ont un intérêt patrimonial et pourraient aussi intéresser des historiens de l’écologie, sur les plantes ou les algues qui existaient autrefois, ou les océanographes.
Alguier détenu par la Médiathèque patrimoniale de Brest. Il montre des variétés d’algues et leurs noms sur deux planches.
Photographie : Bretagne Culture Diversité
Cette bibliothèque patrimoniale a une histoire mouvementée ?
Ces fonds sont le reflet du patrimoine écrit conservé à la bibliothèque de Brest. Il a été restreint du fait des destructions subis par la bibliothèque durant la Seconde guerre mondiale. Beaucoup de documents ont disparu, ce qui explique que le fonds patrimonial de Brest n’est pas aussi étendu que celui de villes de taille équivalente.
Vous avez réalisé un important travail de numérisation des documents, accessibles sur votre portail Yroise, de quand date-t-il ?
Le portail Yroise a ouvert en 2021 à la suite du projet « bibliothèques numériques de référence ». Ce programme, piloté par le ministère de la Culture, a permis d’ouvrir une bibliothèque patrimoniale pour Brest sur le modèle de la plateforme Gallica de la BnF. Il s’agit du programme Marque-Blanche, basée sur la même infrastructure technique et les mêmes interfaces de recherche que Gallica, mais l’habillage est adapté pour une version locale. La BnF nous reverse par ce biais des documents qui ont un intérêt pour Brest. En retour, on l’alimente avec des documents de nos fonds. Le dernier exemple que nous pu verser en provenance de Brest vers la BnF c’est le Dictionnaire de Coetanlem (tout début du XIXè).
Dictionnaire de Coetanlem, détenu par la Médiathèque patrimoniale de Brest. La page montre la définition du mot « biniou ».
Photographie : Bretagne Culture Diversité
Le portail permet la consultation de documents à distance. On se rend compte que, sur Yroise, ce qui a le plus de succès c’est la consultation de la presse ancienne, et notamment de La Dépêche de Brest. Ce type de documents intéresse des chercheurs mais attire également le grand public. Les visiteurs se situent dans la France entière, pas seulement dans la région. Des anecdotes circulent sur les réseaux sociaux sur les faits divers et la vie quotidienne matérielle d’une autre époque avec des extraits des pages numérisées. On souhaite poursuivre cette numérisation et proposer ensuite les archives du Télégramme.
Parmi ces fonds, il y a-t-il un document qui vous tient personnellement à cœur ?
Ce serait un petit livre d’Heures […] de la fin du Moyen-Âge, qui comprend des enluminures. Il est de petit format, conçu pour être transporté par quelqu’un d’assez fortuné pour le détenir. Ce document date du XVe siècle. C’est un document qui est important pour Brest, mais il n’est pas très rare en soi. La BnF en a des collections entières. Il a été très bien numérisé. Cela permet de voir le détail du travail d’enluminure et d’en admirer le travail de calligraphie. La qualité de la numérisation fait que cela revient à presque mettre le nez dans le travail du calligraphe.
Pourquoi avoir choisi le nom « Yroise » ?
En voulant trouver un nom à l’ouverture de la bibliothèque patrimoniale, les collègues sont tombés sur une ancienne graphie d’« Iroise », qui, sur certaines anciennes cartes marines, est orthographiée avec un Y. Ce sont des cartes, datant, en général, plutôt du règne de Louis XIV, fin XVIIe siècle, début XVIIIe siècle. Ils ont donc décidé, pour davantage d’originalité, d’écrire Yroise avec un Y. Cel a permet de distinguer le nom de la mer d’Iroise actuelle, orthographiée avec un I, et de le repérer beaucoup plus facilement dans une recherche Google par exemple. Si l’on recherche Yroise, on tombe directement sur le site de la bibliothèque numérique patrimoniale de Brest.
Rayonnages de la bibliothèque patrimoniale de Brest. Plusieurs livres reliés sont disposés sur une étagère.
Photographie : Bretagne Culture Diversité
La démarche de rejoindre Bretania va permettre un accès plus large aux documents. Qu’est-ce qui vous a motivé dans ce projet ?
L’initiative de Bretania est extrêmement intéressante, elle permet de donner en un point unique accès au plus grand nombre de documents numérisés relatifs au patrimoine. En effectuant une recherche sur un thème on pourra accéder à des ressources provenant de structures différentes, ce qui est toujours compliqué quand on doit effectuer les recherches soi-même, sur place. Rejoindre ce portail permettra aussi apporter de la visibilité supplémentaire aux documents présents sur Yroise.
Yroise était déjà répertorié dans Gallica – Marque blanche, qu’est-ce que cela change d’apparaître aussi sur Bretania ?
Chaque plateforme a son public. Par exemple Gallica a une audience différente de celle d’Yroise ou de Bretania. Être présent à plusieurs endroits permet d’augmenter la visibilité des ressources numériques. Pour le grand public ça a aussi un intérêt parce qu’on accède à des documents étonnants. On débute une recherche puis on arrive à d’autres documents de fil en aiguille. Je dis souvent : « méfiez-vous c’est addictif ! ».
Vous avez fait un travail spécifique sur la langue bretonne, de quoi s’agit-il ?
Yroise est la première bibliothèque numérique patrimoniale reliée à la BnF traduite en langue régionale. Les termes techniques ont été validés par l’Office public de la Langue Bretonne. Cela permet d’effectuer des recherches en breton sur le portail Yroise, car l’interface est en breton.
Rayonnages de la bibliothèque patrimoniale de Brest. Plusieurs livres reliés sont disposés sur une étagère.
Photographie : Bretagne Culture Diversité
À l’avenir, quels fonds allez-vous numériser, quels chantiers sont prévus ?
Nous devrions amorcer le chantier de numérisation du quotidien Le Télégramme afin de compléter la partie « presse ancienne » déjà numérisée. Nous aurons également les fonds de plusieurs écrivains, comme celui de Saint-Pol-Roux (1861-1940), poète mort à Brest, qui est en cours de numérisation pour plusieurs années. En 2024, ce sont Les cahiers d’Iroise qui devraient être numérisés. Il s’agit de la revue de la société savante locale, publiée à partir de 1954. Nous pourrons aussi peut être identifier d’autres fonds à numériser pour la suite.
En dehors de Bretania, est-ce possible de consulter les documents physiques ?
Il est possible de consulter les fonds en prenant rendez-vous avec l’équipe qui s’occupe de la conservation du patrimoine de la médiathèque François-Mitterrand – Les Capucins. Toute personne intéressée, chercheurs ou grand public, peut prendre rendez-vous pour obtenir des renseignements et consulter les documents.
Écrit par Soizick Aubry